Réarmement démographique – Faites des enfants !

Réarmement démographique – Faites des enfants !

Lors de sa conférence de presse de rentrée1, le président Macron a parlé de beaucoup de sujets, mais un sujet particulier nous a fait réagir : la mise en place d’un congé de naissance, en lieu et place du congé parental actuellement existant.

Pourquoi ?

Notre natalité baisse. Nous faisons moins d’enfants. Comme le dira le député Sylvain Maillard lors d’une intervention à la radio quelques jours plus tard, en faisant le service après vente du président : « Si on accepte une société où il n’y a que des personnes âgées, c’est la mort d’une société, il faut un équilibre entre les naissances et les décès. » Pour sauver la société, il faudrait mettre en place des mesures importantes pour augmenter le taux de natalité et considérer les personnes âgées (personnes de plus de 60 ans selon l’OMS) comme inutiles à cette société.

Mais la natalité n’était-elle pas un de nos points forts ?

Oui, nous avons un des taux de natalité les plus élevés en Europe. À peine devancés par l’Irlande en 2011, nous sommes d’ailleurs les meilleurs en 2021 avec 1,84 enfants par femme. Entre 2011 et 2021, on constate une augmentation du taux de fécondité (Tchéquie par exemple, ou dans une moindre mesure l’Allemagne) et une baisse pour d’autres pays. Le taux pour l’Union Européenne reste stable.

Pour la France, on remarque d’ailleurs que le nombre de naissances (autour de 700 000 bébés en 2023) est assez faible, mais ne marque pas un décrochage massif.

Pour contrer cette baisse qui semble un dossier important pour le président, le député propose notamment « la mise en place d’un nouveau congé de naissance […] qui viendra remplacer le congé parental actuel. »

Comment cela fonctionne en France ?

Comme on se plaît à le faire, l’approche des congés est particulièrement complexe. C’est un petit régal pour les gens qui adorent la multiplication des strates administratives.

Strate 1 : Le congé de naissance : 3 jours, attribué au père et à la mère, rémunération prise en charge à 100 %. C’est dans le Code du Travail, il est obligatoire.

Strate 2 : Le congé maternité2 : attribué à la mère 6 semaines avant la date d’accouchement prévu, 10 semaines après l’accouchement (soit 16 semaines au total, 10 de plus à partir du 3e enfant).

Strate 3 : Le congé paternité3 : 25 jours calendaires (32 jours si jumeaux), dont 4 jours sont obligatoires, les autres jours sont à prendre en une fois ou fractionnés en deux fois, dans les 6 mois suivant la naissance, pour le conjoint donc, non obligatoire mais impossible pour l’employeur de les refuser.

Vous pensiez que c’était fini ? Non, le dernier dispositif, c’est celui que vise le président :

Strate 4 : Le congé parental d’éducation45.

On va ergoter, mais le congé parental d’éducation n’est pas rémunéré. Il est de droit (l’entreprise où vous travaillez ne peut pas le refuser) et dure un an, que l’on peut prolonger deux fois. Soit un total de trois ans, ou presque… puisqu’il ne peut pas dépasser la date du troisième anniversaire de l’enfant. Oui, on aime les choses compliquées, on vous l’a dit.

MAIS

Si vous n’avez pas de rémunération, vous avez le droit à la PreParE (« prestation partagée d’éducation de l’enfant »). Si elle dépend de plein d’éléments, elle est en général d’un montant de 428,71 €. Vous avez le droit de cumuler 2 PreparE au sein d’un couple, mais le montant cumulé ne peut pas dépasser… 428,71 €, vous l’avez deviné.

Pour le 1er enfant, chaque parent peut bénéficier de l’aide pendant 6 mois (possible ensemble ou l’un après l’autre), 24 mois pour le deuxième, 48 mois à partir du troisième. C’est le cas général, mais il existe des cas particuliers en cas de parent seul ou d’adoption.

OK… t’as fini, là ?

Eh non : il existe aussi la PreParE majorée. Si on a trois enfants, on peut percevoir une aide majorée (700,74 €), mais qui sera versée pendant 8 mois ; dans la limite du 1er anniversaire de l’enfant (sauf dans le cas de triplés… si, si).

Que propose le président de la République ?

On n’a naturellement pas le projet de loi sous les yeux, mais on peut assez facilement traduire son approche :

« il sera mieux rémunéré et permettra aux deux parents d’être auprès de leur enfant pendant six mois s’ils le souhaitent. »

Dans l’idéal, on pourrait imaginer un congé de 6 mois, à prendre quand on le souhaite (en même temps ou non) avec un quasi-maintien de salaire, et cela après la période de 10 semaines pour la personne qui a accouché. Le système serait plus simple, même si l’auteur de ces lignes se doute que cela sera plus complexe en réalité.

Les femmes sont moins payées que les hommes et il se dit que c’est en raison des interruptions de carrière dues aux grossesses et à la naissance des enfants. En ouvrant droit à un congé de naissance équitable, l’égalité homme/femme serait en théorie possible, tant pour les grilles de salaire, que sur les évolutions de carrière.

Pour conclure et en écoutant ce que dit le député Maillard : « On a changé de situation économique, le quoi qu’il en coûte est derrière nous, l’argent public est rare, nous devons revenir au 3 % de déficit. »

L’idée n’est donc pas que le système coûte plus cher que l’actuel.

Le congé de naissance : bonne proposition… ou pas ?

La proposition tape sans doute à côté, et pas qu’une fois.

La maternité

On commence par le suivi médical d’une grossesse et l’accouchement. C’est une première piste à aborder quand on veut inciter les gens à devenir parents et à le devenir sereinement.

Selon les derniers chiffres des autorités sanitaires (DREES, 20226), le nombre des maternités est passé de 816 en 1995 à 478 maternités en 2020, soit une baisse de 42 %. Dans les maternités, le nombre total de lits a été divisé par deux depuis 1975 : il est passé de 32 000 à 14 000 fin 2020. Le taux d’utilisation des lits des maternités a fortement augmenté durant cette période. Il est passé de 23 à 49 accouchements annuels par lit, en moyenne, entre 1975 et 2020.

Cela implique que, dans certains déserts médicaux, des femmes se trouvent à plus de 45 minutes d’une maternité. Comme l’indique le sénateur Joly dans une proposition de loi, « un temps de trajet supérieur à 45 minutes double le taux brut de mortalité du nourrisson et celui de la mortalité périnatale. ». Ce chiffre provient d’une étude publiée dans le Journal de gestion et d’économie médicales en 2013.

En 2022, à l’initiative d’une enquête menée par l’association Santé en danger, 49 maternités ont indiqué être en fermeture partielle : arrêt ou réduction du suivi de grossesse, arrêt des cours de préparation à la naissance, par exemple. La pénurie des soignants qui touche l’ensemble de l’hôpital touche aussi les maternités.

Les modes de garde

La proposition du congé de naissance a un intérêt certain : mettre en avant les limites des modes de garde en France.

En effet, si certaines personnes prennent ce congé parental d’éducation, c’est surtout pour éviter de dépenser énormément d’argent dans les modes de garde… quand ils existent.

Le premier conseil donné aux futurs parents est de réserver une place plusieurs mois avant la naissance de leur enfant. Même dans ce cas, l’offre potentielle est en France de 59,8 places pour 100 enfants âgés de moins de 3 ans (source CAF7).

Imaginez la tension que risque d’apporter cette proposition sur un marché déjà sous doté !

Le député Maillard écarte cette problématique assez rapidement : « Il faut un large éventail de possibilités ».

Il y a déjà un problème de mode de garde : la première solution serait peut-être de le régler avant de proposer une mesure qui risque de l’amplifier !

Bon, mais au moins sur les salaires ?

En 2021, l’observatoire français des conjonctures économiques (OFCE)8 a réalisé une étude étudiant la première réforme du congé parental d’éducation (la PreParE) qui a été proposée en 2015.

L’OFCE la résume ainsi :

« La loi modifie la durée et la répartition du droit à l’allocation entre les parents : pour un premier enfant, la durée maximale de versement a été étendue, passant de 6 mois à partager entre les deux parents avant la réforme à 6 mois pour chaque parent après la réforme ; à partir du deuxième enfant, la réforme réduit à deux ans maximum la période d’indemnisation pour un même parent au lieu de trois initialement, ce qui oblige l’autre parent à prendre une partie du congé pour couvrir la période jusqu’aux trois ans de l’enfant. »

Le premier objectif affiché par l’État était de passer de 0,5 % de congé parental d’éducation pris par les hommes à 25 %. Le résultat 6 ans après la réforme est sans appel et se passe de commentaire, la prise de congé parental d’éducation par les hommes est passée de 0,5 % à 0,8 %.

Le deuxième objectif affiché par l’État était d’encourager les femmes à retourner sur le marché du travail plus tôt pour limiter la perte d’expérience et de carrière. On remarque en effet que, quand on ne perd que deux ans de progression de salaire lié à la carrière au lieu de trois, le revenu des femmes augmente. Cependant, les résultats suggèrent aussi un fort recours au chômage, ce qui indique la difficulté de retrouver un travail s’il a été perdu pendant le congé parental d’éducation. Il est aussi à noter que cette réforme affecte négativement les revenus des mères qui étaient à faible revenu ou loin du monde du travail, alors qu’il affecte positivement les revenus des mères à revenu moyen ou haut.

En conclusion

On peut supposer que cette réforme, qui va dans le même sens que la réforme de 2015, aura donc les mêmes effets, à savoir que :

le recours au congé parental d’éducation ne sera pas plus pris par les hommes qu’avant, ou à la marge ;

les femmes qui le peuvent le prendront ;

les femmes les plus pauvres seront désavantagées par le dispositif ;

l’effet sur les discriminations hommes/femmes dans le travail sera à peu près nul.

Les études que nous avons lues ne proposent que peu de solutions. Lutter contre une vision genrée du congé parental est bien proposé par l’OFCE qui explique que «Quoi qu’il en soit, cela suggère qu’une meilleure indemnisation du congé parental ne suffirait probablement pas pour accroître le recours des pères.».

Comme souvent en politique, le problème est global et doit être abordé par une approche multifactorielle. Si on veut augmenter le nombre d’enfants en France, il faut que l’ensemble de l’environnement s’y prête. Il faut pour cela avoir un système de santé qui fonctionne bien (voir programme du Parti Pirate : mesures d’urgence pour la santé et les hôpitaux) et permettant le libre choix des parents.

Il faut aussi, et cela transparait dans l’ensemble des textes lus, lutter contre une société trop patriarcale, où l’homme ne s’occupe pas des enfants car c’est à la femme de le faire.

Il faut également être très prudent dans les mesures prises.

Les Pirates sont attachés à la liberté, et tout particulièrement à la liberté des femmes d’avoir des enfants — il faut pour cela mettre tout en œuvre pour que cela soit possible sans danger — ou de ne pas en avoir, et tout cela sans discrimination.

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